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lundi 25 novembre 2013

Quand de simples croyances populaires deviennent les clés de l’Education

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Quand de simples croyances populaires deviennent les clés de l’Education. Il y a des phrases récurrentes. Répétées inlassablement, à chacun de nos gestes, à chacune de nos intuitions. Des avertissements, des recommandations, des conseils. Toujours accompagnés d'un regard réprobateur et d'un sourire qui condamne.

Elles sont nées d'une société dirigée par la consommation de masse, de doctrines anciennes et non vérifiées, de certains personnels de santé mal formés et peu informés, d'enquêtes très sérieuses sponsorisées par des marques de couches ou de lait en poudre. Elles survivent grâce à la croyance populaire. Elles sont devenues les diktats d'une éducation où l'instinct maternel, la nature de l'enfant et ses besoins fondamentaux sont laissés pour compte et annihiler. Décryptage détaillé, en deux partie, de ces conseils hasardeux et injustifiés, entre opinion personnelle, expérience et véritables recherches.

PARTIE 1 : - « Laisse pleurer bébé » Et ses variantes : « Il a besoin de pleurer », « Tu ne peux pas accourir dès qu’il pleure, faut qu’il apprenne la vie » « Faut le laisser pleurer, tu n’es pas son esclave » « Si tu viens à chaque fois qu’il pleure, tu es foutu, il aura gagné »

C’est la première phrase que tu entends à la naissance de bébé, juste après les félicitations d’usage. Le 1er bon conseil qu’encore trop de gens appliquent. Entendu à la télé, lu dans des magazines, préconisé par des amis. Dit et répété par presque toutes les personnes de ton entourage, déjà parents ou pas. Répété encore et encore, sans en saisir réellement le sens, sans même se demander l’impact scientifique et émotionnel que cela provoque. Car oui, c’est loin d’être sans risque, à court comme à long terme.

Quand Lou-les-grosses-joues est née, j’ai aussi reçu cette recommandation. Je n’ai jamais eu de réponse fondée quand je demandais « Mais pourquoi faut-il que je la laisse pleurer? Je suis sa mère, ne devrais-je pas répondre à ces besoins, qu’ils soient vitaux ou affectif ? ». On m’encourageait à ne pas me laisser faire ( ?), on m’assurait, par expérience, par on-dit, que c’était la seule façon de la rendre autonome, que je ne lui rendais pas service à la prenant dans mes bras chaque fois qu’elle pleurait.

Ce mythe est si encré dans nos croyances populaires qu’il est quasi impossible de s’en défaire et de convaincre que non, laisser pleurer un bébé n’a jamais été bénéfique pour lui et ne lui a jamais fait du bien. Jamais. Ce n’est pas un moyen de l’autonomiser ou de l’aider à le rendre plus dépendant ! Tout le contraire.

 John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais est célèbre pour ses travaux sur l'Attachement dans la relation mère-enfant. Il explique dans le volume 1 de son livre « Attachement et perte » que plus l’enfant se sent rassuré, consolé, cajolé et aimé, plus il a confiance en lui, plus il s’ouvre au monde et acquiert en autonomie rapidement.

« Dans nos sociétés actuelles, on cherche à séparer le plus vite possible le corps du bébé de celui de sa mère, sous prétexte de favoriser son autonomie. Dans la plupart des cultures traditionnelles, il est rare d’entendre les bébés pleurer : on répond systématiquement aux pleurs. Laisser pleurer un bébé est considéré comme cruel. » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Ne pleure plus, bébé).

Nous sommes les victimes d’une prétentieuse supériorité, qui nous vantons de vivre dans un pays sur développé, tout en continuant d’utiliser des méthodes barbares et dépassées. Tenter de dresser un petit être sans essayer de le comprendre en refoulant notre propre instinct n’aident pas à mieux vivre notre parentalité. Car l’Instinct (Ensemble des comportements animaux ou humains, caractéristiques d'une espèce, transmis par voie génétique et qui s'exprime en l'absence d'apprentissage.) ne nous dicte EN AUCUN CAS de laisser pleurer notre bébé. Notre Instinct sait qu’il n’y a rien de naturel dans ce comportement.

Notre espèce ne s’est séparée du bébé que parce que, tout d’un coup, au XIXème siècle, la société de consommation a décidé qu’il fallait laisser notre enfant allongé à plat, loin de notre corps, de notre chaleur, de notre odeur, une grande partie de la journée et toute la nuit, pour mieux nous vendre poussette, transat, parc, tapis d’éveil, berceau. Et bien sûr, comme ça ne convient pas à l’enfant ni physiologiquement, ni émotionnellement, il pleure.

On nous a donc persuadé qu’il fallait laisser le pleurer, pour l’éduquer, le contrôler, lui apprendre. « Il est bien préférable de le laisser couché et, sans pitié pour ses cris, de ne pas lui donner la déplorable habitude de l’avoir tout le temps sur les bras » (Dr Rehm, Nouvelle encyclopédie pratique de médecine et d’hygiène, 1922)

Depuis, malheureusement, ces diktats arriérés sont encore dans la tête de beaucoup trop de parents. « Laisse-le pleurer » c’est aussi et surtout LA phrase préférée des gens qui tente de se déculpabiliser pour continuer à vivre leur vie d’avant. Car il ne faut pas, n’est-ce pas, devenir « l’esclave » de notre enfant. Il ne faut pas se laisser faire. Il ne faut pas se faire manipuler, par ce petit être vil et pervers qu’est notre enfant.

Mais finalement, pourquoi faire un enfant, s’il est inconcevable pour nous de bouleverser son quotidien, d’accepter de changer ses priorités, de se rendre compte que nous parlons simplement d’une vie humaine ? Une vie humaine qui débarque sur cette Terre qu’il ne connait pas. Une vie humaine qui passe de l’obscurité à la lumière, d’un contour a du vide, de la chaleur constante aux changements de température, de l’eau à l’air. Qui découvre la faim, la douleur, le bruit, la peur et tout ça en même temps. Qui est dépendant, totalement et absolument de sa mère et de son père.

« Il y a une période, s’étalant sur près d’un an, qu’on peut qualifier de grossesse hors utérus (fœtus ex utero), où le développement des systèmes nerveux, digestif, immunitaire, etc., se poursuit et où le bébé est complètement dépendant de l’adulte pour sa survie et son bien-être. »

Le bébé à un seuil de tolérance au stress presque nul. Un rien l’angoisse. Eduard Punset, le confirme dans son livre « El viaje a la felicidad : las nuevas claves cientificas » (Le voyage du bonheur : les nouvelles clés scientifiques): Ce qui est sûr, c’est que les bébés ne peuvent absolument pas gérer leur stress. Ils ne peuvent pas se défaire de leur propre cortisol, comme nous les adultes. Pour eux, c’est leur survie qui est en jeu ! S’il pleure, ce n’est jamais pour rien. Ce n’est jamais bon. Pourquoi refuser le réconfort de nos bras, de notre corps ? Pourquoi avoir si peur de son propre enfant ?

Carlos Gonzalez, pédiatre espagnol, dans son très bon livre « Besame mucho » (Embrasse-moi beaucoup, qui vient de sortir en France sous le titre de « Serre-moi fort ») ironise très bien la réalité : « Depuis des siècles, médecins, éducateurs et parents ont souvent, consciemment ou non, une vision très négative de l’enfant. Car nos enfants sont, semble-t-il, nos ennemis. Ils s’opposent à nous sans raison, multiplient les caprices, cherchent à n’en faire qu’à leur tête, à nous dominer, à nous écraser. Il convient donc d’extirper le mal à la racine (…) faute de quoi ces tyrans en herbe deviendront incontrôlables ! »

Ce bébé agit, lui, par instinct et quand il se sent en détresse physiologique ou émotionnelle, il pleure. Le jour, la nuit, même quand il est propre, même quand il a mangé. Le laisser pleurer, en se disant qu’il n’a pas de raison de pleurer car chacun de ses besoins sont satisfaits c’est encore très prétentieux. C’est surtout minimiser son importance et croire qu’il a juste besoin de dormir, de manger et d’être propre. L’amour, on verra après. Quand on aura le temps.

 L’AAIMH (Association Australienne pour la Santé Mentale Infantile) assure que ces pratiques ne correspondent pas aux besoins émotion­nels et psychologiques des jeunes enfants, et qu’elles peuvent avoir des conséquences négatives à long terme sur leur santé psychologique. Ce qu’il se passe les premières années dans la vie d’un bébé, laisse une marque pour toujours. « Les parents doivent savoir qu’en laissant pleurer leurs enfants sans leur accorder d’attention, ils peuvent provoquer chez lui des dommages à long terme. Le système nerveux de l’enfant deviendra anormalement sensible aux traumatismes et aura pour principal résultat de fabriquer des adultes stressés et anxieux. (Havard University).

Dans son ouvrage, « Un enfant heureux », le professeur Margot Sunderland qui travaille au Centre for Child Mental Health de Londres, s’appuie sur TOUTES les recherches récentes en matière de développement cérébral et sur TOUTES les observations que permettent les techniques d’imageries médicale, pour montrer « qu’élever un enfant en ignorant ses pleurs, même de temps en temps, à des conséquences visibles sur son cerveau, entrainant de graves déséquilibres chimiques générateurs de problèmes psychiques»

On ne connait pas toujours la raison de ces pleurs. Comme nous, le bébé à un panel d’émotions et de besoins divers et variés. Une chose est sure, il ne cherche pas à prendre le pouvoir sur nous, il ne cherche pas à gagner je ne sais quelle bataille et il ne s’agit pas de caprices. - « Ne cède pas, c’est un caprice » La première question que je me suis posé face à l’argument sans faille « c’est un caprice. » c’est : « à quel âge le bébé, le jeune enfant est-il capable de faire un caprice ? » J’ai entendu des phrases ahurissantes : « Si ton bébé veut être tes bras, c’est par caprice », « Si ton bébé pleure, c’est par caprice », « S’il refuse la poussette, c’est par caprice »

Qu’est-ce qu’un caprice ? Volonté soudaine, irréfléchie et changeante / Désir, volonté subite, irréfléchie et passagère. C’est donc un besoin immédiat de quelque chose, de quelqu’un. Un besoin. Un besoin intense d’être pris aux bras, un besoin extrême d’amour, un besoin désespéré de sortir de cette poussette. Pourquoi mettre en doute la légitimité de ces besoins ?

Le bébé, jusqu’à ses 18 mois minimum, n’est pas capable de « caprice », au sens péjoratif du terme. La peur du « caprice » c’est encore une fois la peur d’être dominé par son enfant. La peur de ne pas réussir, plus tard, à lui expliquer ou à lui refuser quelque chose. Il est temps de se faire confiance et de LUI faire confiance.

Et si, finalement, il ne s’agissait que d’Amour ? - « Ne la prend pas aux bras, tu vas lui donner de mauvaises habitudes » « Habitude ». Ce mot, c’est LA bête noire. Tout doit être mis en œuvre pour que l’enfant ne s’habitue pas. Attention ! : « S’il s’habitue, c’est fichu. » Pardon mais...s’habituer à quoi exactement ? A nos bras, à notre amour ? Pourtant, il n’y a pas de plus belle "habitude" que celle d'aimer. Le besoin d’être porté est aussi fort que le besoin de manger, parfois même plus fort.

Colette Clark au début de son ouvrage « Le livre de l'allaitement maternel » écrit : « le nouveau-né n'a que trois besoins essentiels : la chaleur des bras de sa mère, la certitude de sa présence et le lait de ses seins ». Nos bras, c’est vital pour lui. « Les bébés humains naissent prématurés d’environ 12 mois. Cette immaturité explique le GRAND besoin de contact physique qu’ont les petits d’homme, de jour comme de nuit. »

Il y a un dicton qui pourrait tout résumer : « 9 mois dans le ventre, 9 mois sur le ventre ». « Le portage, par les mouvements du porteur et les bruits de son cœur, stimule le système nerveux immature du bébé, et notamment son système vestibulaire (le système sensoriel principal de la perception du mouvement et de l'orientation par rapport à la verticale, donc à la base du sens de l'équilibre) et aide les bébés à mieux respirer, à mieux grandir, régule leur physiologie et améliore leur développement moteur. Le bébé encore incapable de se déplacer accumule l’énergie sans pouvoir la décharger autrement que par des pleurs, alors que s’il est porté par une personne active, les tensions musculaires des deux, porteur et porté, sont évacués par le mouvement » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Porter bébé & Ne pleure plus, bébé).

Blaise Pierrehumbert, dans son ouvrage « Le premier lien » explique que « ce n’est que quand ses besoins de proximité sont satisfaits qu’un individu peut s’éloigner de sa figure d’attachement pour explorer le monde extérieur ».

Varenka Marc assure que « le Holding nous permet, en ne séparant pas trop tôt notre bébé de notre corps, de l’aider à atteindre sans heurts les phases de différenciation (jusqu’à 4 mois, le bébé est dans une unité duelle avec sa mère. Ils constituent un système omnipotent. La mère maintient l’équilibre homéostatique de l’enfant immature, sujet à des détresses somatiques génératrices d’angoisse). C’est à cette condition qu’il accède naturellement à la séparation. C’est ainsi, paradoxalement, que notre bébé deviendra libre » et autonome.

 Il FAUT prendre son bébé aux bras, le porter, même quand il ne pleure pas. Surtout quand il ne pleure pas. Lui refuser nos bras, sous le prétexte fumeux de l’apprentissage de l’indépendance ou de la peur d’en faire un capricieux, c’est comme lui interdire de manger lorsqu’il a faim.


Le psychanalyste suisse Franz Renggli sépare les mammifères en 3 formes de développement de la relation mère-enfant : « les nidifuges, où le petit se déplace dès la naissance et suit sa mère ; les nidicoles où les petits restent dans un nid ; et enfin les primates, pour lesquels le nid est le corps de la mère qui le porte de manière ininterrompue pendant toute la 1ere période de sa vie ». Nous sommes des primates, le réflexe de Grasping (réflexe de préhension) qui est toujours présent chez nos bébé jusqu’à ses 6 mois, en est la preuve ! « Les experts s'accordent presque tous pour dire que ce réflexe représente un vestige de notre lointain passé » quand nous nous agrippions à la fourrure de notre mère. « Tout se passe comme si, en Occident, l’Homme s’était transformé en nidicole, mettant ses petits dans des nids plus ou moins douillets. Le problème, c’est que les besoins des bébés, eux, n’ont pas changé. Et que le berceau dont ils ont besoin, c’est le berceau qui marche, constitué par le corps de leur mère. » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Porter bébé.)

Au début, je voyais l’écharpe comme la solution de la dernière chance. Trop conditionnée par les menaces « d’enfant capricieux », de « mauvaises habitudes », « d’éducation foirée », je m’acharnais à essayer de la poser dans son transat, qu’elle refusait bien évidement. Dès qu’elle pleurait, je la serrais contre moi. Puis je tentais, de nouveau, de la poser. En vain. Je la mettais dans l’écharpe et elle se calmait instantanément. Je le vivais comme un échec ! J'avais du mal faire à un moment. Pourquoi ma fille ne voulait pas rester seule ? Pourquoi voulait-elle absolument être dans mes bras ? Parce que c'est un bébé. Parce que c'est normal. Il m’a fallu lire de vraies recherches, voir les bons reportages pour m’en convaincre. C’est une évidence maintenant. Lou est dans l’écharpe, une grosse partie de la journée. Elle me regarde vivre ma vie d’adulte. Je ne suis pas centrée sur elle constamment. Elle est spectatrice et elle adore ça. Il est très rare qu’elle pleure la journée (ni la nuit d’ailleurs). Grâce à notre proximité, elle peut communiquer avec moi autrement que par le pleur ou le cri. Il a été plus facile pour moi de repérer ses phases d’éveil, les signes de faim ou de fatigue.

Le portage, car il apporte au bébé tout le réconfort et la sécurité dont il a besoin absolument, l’aide aussi à l’endormir. Ma fille s’endort tous les soirs, entre 20h et 21h, sans jamais pleurer, toujours sereine et calme. Une chanson ou deux, une tétée et quelques caresses la font sombrer tout de suite. Elle est heureuse et ses nombreux sourires en sont la preuve !


UN PEU DE LECTURE :

* "Porter bébé" / "Ne pleure plus, bébé !" / "Partager le sommeil de son enfant" de Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau

* "Attachement et perte" (volume 1, 2 et 3) de John Bowlby

* "Serre-moi fort" de Cesar Gonzalez

* "Un enfant heureux" de Margot Sunderland

* "Papa, maman, écoutez-moi vraiment" de Jacques Salomé "

* Le premier lien. Théorie de l'attachement" de Blaise Pierrehumbert

* "Au coeur des émotions de l'enfant" d'Isabelle Filliozat

* "Elever son enfant autrement : ressources pour un nouveau maternage" de Catherine Dumonteil-Kremer

* "L'art de l'allaitement maternel" de La Leche League

La colère des enfants

 Lien vers l'article
Revue "Non-Violence Actualité" Janvier/Février 2013

Article de Brigitte Oriol: La colère des enfants. 
 
La colère chez l’enfant, signe de bonne santé psychique.

Nous avons tous entendu dire : « T’es pas belle quand tu es en colère – Tu fais des caprices – Puisque tu cries, je te laisse»…. Accabler l’enfant par ces réflexions, c’est comme lui envoyer un « projectile » dans le cerveau qui, en attendant d’exploser à tout moment de sa vie (l’adolescence, l’âge adulte), le détruit à petit feu.

Dès notre naissance, nous sommes dotés d’un système émotionnel très sophistiqué qui nous permet de ressentir la colère, la peur, l’angoisse de séparation et c’est grâce au déclenchement de ces émotions que nous pouvons assurer notre survie en appelant la présence de nos parents pour nous rassurer.

 Si les nourrissons sont constamment assaillis par ces émotions, c’est parce que leur cerveau cognitif qui permet d’analyser les situations, de faire des déductions et de se calmer tout seul, n’est pas encore assez développé pour lui permettre de réfléchir. Un bébé ne peut pas, par exemple, « s’imaginer que maman termine la vaisselle ou sa douche avant de répondre à ses pleurs».

Pour des enfants plus grands, vers sept, huit ans, il devient plus facile de patienter ou de comprendre les raisons qui nous empêchent de répondre sur l’instant.

Nous sommes également dotés d’un comportement de sauvegarde semblable à celui des animaux, qui nous permet de prendre la fuite, contourner un obstacle ou se défendre en cas de danger. Tous ces systèmes peuvent fonctionner naturellement, s’ils n’ont pas été endommagés par des « projectiles » qui nous ont interdit de réagir en situation d’agression pour nous laisser dans l’impuissance.

Pour que l’enfant puisse développer une maturité cérébrale qui lui permettra d’apaiser ces états d’alertes, il est essentiel de répondre avec compréhension à ses pleurs depuis sa naissance, parce que ce sont nos réponses empathiques qui lui permettront de faire des crises d’angoisse ou de colère de moins en moins impressionnantes et de moins en moins fréquentes.

Il a besoin d’être rassuré à tous les instants des premières années de sa vie et ainsi nous devenons sa base de sécurité. L’immaturité de son cerveau ne lui permet pas d’agir autrement que par des pleurs, des cris, et plus grand, par de véritables tempêtes émotionnelles qui peuvent déclencher des crises jusqu’à se rouler par terre. Cela dure le temps que son cerveau cognitif arrive suffisamment à maturité pour pouvoir raisonner et se calmer tout seul (6-7-8 ans selon les enfants).

Ces crises ne sont donc pas des caprices, mais le reflet de l’immaturité de son cerveau. Il ne fait pas exprès de réclamer vos bras ou d’être furieux, il n’est pas mauvais ou manipulateur, il ne cherche pas non plus à vous faire « tourner en bourrique ». C’est tout simplement que son petit organisme ne PEUT pas agir différemment pour vous dire qu’il a besoin d’être rassuré par votre présence.

Malheureusement, à ce moment-là, les parents interprètent mal le comportement de l’enfant et ils pensent être manipulés, alors ils vont commencer à le taper, lui crier dessus, l’isoler dans la chambre, le menacer ou l’ignorer dans ses pleurs pour le corriger. Et c’est là que les blocages émotionnels commencent.

L’enfant doit ravaler ses émotions et dans cet interdit, il va apprendre à faire dysfonctionner son système émotionnel qui était magnifique au départ. On retrouvera les conséquences de ces blocages, même des années plus tard, dans un cortège de maladies psychosomatiques, des troubles alimentaires ou encore dans des difficultés relationnelles avec les autres, des addictions à la drogue, l’alcool, dans la délinquance voire dans la soumission... On a tendance à attribuer ces mal-être au stress, alors qu’en définitive, ce sont généralement les situations d’impuissance que l’on a vécues par le passé, qui se sont accumulées et qui se manifestent, MAIS, comme il y a un délai entre le moment où les évènements traumatiques ont eu lieu et le moment où le symptôme s’exprime, personne ne fait le lien entre les causes et les conséquences.

Le système émotionnel de l’enfant peut très rapidement se bloquer quand on lui interdit de pleurer par exemple, ou quand on lui interdit de se mettre en colère, il se bloque aussi par les violences physiques comme les fessées, MAIS aussi par les violences émotionnelles, comme lui hurler dessus, se moquer de lui, l’humilier, le menacer ou le punir.

Alors que si l’on répond au bébé et au jeune enfant avec compréhension et empathie, on développe chez lui la certitude de la confiance en l’autre en cas de problème, durant toute sa vie. Si j’ai manqué de réponse, je risque plus tard d’être dans l’incertitude, le doute avec les autres et moi-même.

Un enfant a des tas de raisons pour être agité, en colère, grognon ou angoissé. Les premières années de sa vie sont consacrées à découvrir son environnement, le fonctionnement du monde qui l’entoure et à s’adapter au rythme et aux humeurs de ses parents. Tout cela avec un cerveau immature qui ne lui permet pas d’analyser ce qui se passe, ni de contrôler ses émotions. Il reçoit une quantité importante d’informations à la minute, émotionnelles, comportementales, musculaires, matérielles, ce sont des tâches aussi épuisantes pour lui qu’une journée de travail harassante pour un adulte. Dans cette avalanche d’informations, il déploie une énergie considérable pour absorber tout ce qui se passe autour de lui. Cela peut être dans la foule des grands magasins, à la crèche, à l’école, sur le manège, à Eurodisney, mais cela peut être aussi par la fatigue, l’agacement ou l’indisponibilité de ses parents, l’ambiance de la maison….

 Cette fatigue émotionnelle n’est pas forcément visible, c’est pourquoi nous pouvons être très surpris, après avoir passé une formidable journée ensemble, de se retrouver face à une crise de colère terrible, parce qu’on lui demande de mettre son pyjama. Toutes ces émotions activent des substances dans son organisme qui génèrent du stress et c’est par les agitations de son corps, les pleurs et les cris, qu’il tente de se libérer des tensions qu’il a accumulées dans la journée, voire les mois précédents.

Un enfant ne peut pas mettre de mots sur ses émotions, c’est pourquoi il pleure ou il crie et en général, on le punit alors qu’il a réellement besoin d’une présence sécurisante justement à ce moment-là.

Les crises de colère sont provoquées par l’impuissance, la frustration, la perte, la déception et le sentiment d’être incompris et elles entrainent une véritable souffrance émotionnelle que nous devons prendre au sérieux.

 Après l’avoir assisté pour ses nombreux tours de toboggan, vous devez rentrer. Il s’y oppose par une forte crise, vous pouvez le prendre dans vos bras en vous protégeant des coups, tout en l’amenant vers la voiture et murmurer : « Oui, tu n’es pas content, tu aurais tellement voulu continuer, mais je ne peux vraiment pas rester» avec calme pour qu’il puisse amorcer le processus de deuil, qui va lui permettre d’accepter qu’il faut rentrer.

 Si le parent se met en colère à ce moment-là, l’enfant peut arrêter de pleurer, mais uniquement parce que le système responsable de la peur se déclenche, et c’est l’angoisse de séparation qui prend le dessus, à ce moment-là, l’enfant a peur d’être abandonné, c’est pourquoi il arrête de pleurer.

Cette technique qui semble efficace sur le moment, modifie la relation à tout jamais avec vous, par la peur, la crainte et la méfiance. Dans la détresse, un enfant ne peut ni écouter, ni parler, car les fonctions cognitives qui lui permettent de comprendre et de s’exprimer, sont neutralisées par le bouleversement émotionnel. C’est pourquoi, il est inutile d’essayer de lui parler ou de lui demander d’exprimer ce qu’il ressent, car la seule chose qu’il peut faire au moment d’une crise, c’est d’évacuer ses émotions.

Quand un enfant ne peut pas avoir quelque chose, il va se mettre en colère, c’est une étape nécessaire, naturelle et normale du travail de deuil pour que l’enfant accepte sa frustration et pour qu’il réalise que le monde n’est pas magique.

 Quand on interdit à un enfant de se mettre en colère, on l’empêche de réagir de manière appropriée à une blessure, plus tard il craindra ses sentiments au lieu de s’appuyer dessus pour mieux s’orienter dans la vie.

C'est pourquoi une petite fille, par exemple, peut suivre le voisin qui lui a promis des bonbons, même si elle a un peu peur d’y aller. Si, dès le début de sa vie, elle a appris que ses sentiments n'avaient pas d'importance, que ce n’est pas beau de se mettre en colère et qu'il faut obéir, même si intérieurement elle ressent une résistance, elle va suivre le voisin.

Nous savons tous qu’il est impossible d’être à l’écoute 24h sur 24, disponible et patient, même si nos bébés et nos enfants en ont besoin. Mais le simple fait de connaître la sensibilité du cerveau en développement, nous permet de passer le relais quand on est épuisé, plutôt que de prendre le risque d’envoyer des « projectiles ».

ET SURTOUT, quand ON SAIT que nos énervements troublent le psychisme de l’enfant, ON DEVIENT un parent conscient, donc plus vigilant et capable de réparer son erreur en ne lui laissant pas croire que c’est lui qui est mauvais.

Brigitte Oriol